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Engrais russes : dépendants hier, taxés aujourd’hui, les agriculteurs vont passer à la caisse
[Edito] Alors que la dépendance aux engrais importés pèse sur les filières agricoles européennes, une nouvelle surtaxe vient complexifier un peu plus leurs équilibres économiques fragiles.
Depuis le 1er juillet, la surtaxe européenne sur les engrais russes et biélorusses est entrée en vigueur. Adoptée en juin, cette mesure concerne l’urée, l’ammonitrate et les engrais liquides.
Fixée à 40 €/t dès cet été, elle pourrait grimper jusqu’à 430 €/t d’ici 2028. Si la décision s’inscrit dans un contexte politique extrêmement tendu avec la Russie et ses alliés, elle aura en revanche des effets immédiats sur le revenu des agriculteurs européens, dont les trésoreries peinent déjà à absorber les imprévus.
Une surtaxe qui alourdit des trésoreries déjà fragilisées
Taxer ces flux revient à renchérir le coût de production agricole. Cette hausse représenterait un surcoût estimé entre 8 à 10 % ! Et elle intervient dans un contexte de marchés peu porteurs : le blé tendre reste sous la barre des 200 €/t et le prix du maïs gravite autour des 185 €/t.
Ces tensions rappellent combien notre dépendance à la Russie nous fragilise : nous sommes sous l'œil de Moscou et nous participons indirectement au financement de l’effort de guerre russe contre l’Ukraine. Est-ce vraiment une surprise ? Depuis les premières importations de gaz soviétique en 1976, la France subit les turbulences politiques du Kremlin. En 2006, les tensions entre l’Ukraine et la Russie ont fait flamber le prix du gaz, au point que cette dernière a coupé les robinets. En 2023 encore, le “Grand Ours” représentait près de 30 % des importations d’urée de l’Union européenne, soit 1,8 million de tonnes. Dans son rapport d'activité 2024 publié en juin 2025, l'Unifa (l’Union des industriels de la fertilisation) rappelle que “la France a importé un peu plus de 735 000 tonnes d’engrais minéraux depuis la Russie en 2024, soit 21,8 % de ses importations depuis l’extérieur de l’Union européenne, multipliant par trois cette part depuis 2020”.
Lire aussi : Engrais : la crise au Moyen-Orient pourrait déclencher une forte hausse des prix et bouleverser la production agricole
Des réponses industrielles en cours
Pas d’interdiction sans solution ? Il y en a, mais leur déploiement et leur coût restent un véritable frein pour les agriculteurs. Les engrais européens subissent de plus la concurrence des prix bas des produits importés. Pour ne rien arranger, la Russie pratique une politique tarifaire agressive pour saturer le marché.
Néanmoins quelques signaux positifs émergent : des projets industriels de relocalisation voient le jour, notamment autour de l’ammonitrate ou des fertilisants organo-minéraux issus de la méthanisation. Ces solutions ne datent pas d’hier, mais la surtaxe agit comme un accélérateur du déploiement de ces alternatives. La récente décision d’assouplir l’usage de certaines molécules controversées, comme les néonicotinoïdes, peut être perçue comme une tentative de restaurer temporairement des marges agronomiques face à la hausse des coûts. Pour se libérer progressivement de la dépendance russe et encourager la souveraineté. La Commission Européenne s’est engagée à surveiller attentivement le marché des engrais et à intervenir si les prix devaient s’envoler. Mais dans l’immédiat, les engrais restent indispensables aux rendements, notamment en grandes cultures. La taxation n’en efface par la nécessité.
La surtaxe est un choc immédiat pour les trésoreries agricoles, mais elle pourrait aussi rebattre les cartes en poussant à produire localement et de surcroît de façon plus verte. A long terme, les voyants sont au vert pour renforcer notre indépendance, avec à la clef des prix plus stables.