Promulgation de la loi Duplomb : l’essentiel du texte

Fin à la séparation des activités de conseil et de vente des produits phytosanitaires, reconnaissance d’intérêt général des ouvrages de stockage d’eau, relèvement des seuils d’autorisation ICPE des bâtiments d’élevage, renforcement de l’assurance prairies, clarification des interventions des agents de l’OFB : l’essential de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.

Entamé en novembre 2024 avec le dépôt d’une proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI), le parcours législatif d’un texte censé apporter des « remèdes urgents » et des « réponses concrètes dans les cours de ferme » et mettre fin aux « surtranspositions et surrèglementations » franco-françaises s’est achevé le 11 août par sa promulgation par le président de la République et sa publication au Journal officiel le 12 août.

Après une large adoption au Sénat et un débat avorté à l’Assemblée nationale, en attendant un éventuel come-back pour la forme suite au succès d’une pétition, l’essentiel des articles portent sur les moyens de production, à commencer par les produits phytosanitaires, aux côtés de l’accès à l’eau et de la législation entourant la construction et l’extension des bâtiments d’élevage. Leur mise en œuvre est pour certains articles conditionnée à la publication de décrets..

Sauf que le Conseil constitutionnel a censuré un article-phare (article 2) ouvrant la possibilité de réintroduire sur le marché français l’acétamipride, un néonicotinoïde en usage dans les 26 autres pays membres de l’UE et disposant d’une AMM jusqu’en 2033 mais que la France a banni en 2018 avec l’ensemble de cette famille de produits. Le Conseil constitutionnel a estimé l’article contraire à la Charte de l'environnement, laquelle a valeur constitutionnelle depuis le 1er mars 2005, affirmant notamment « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » ainsi que le « devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ». Les producteurs de betteraves et de noisettes demandent des compensations financières et un nouveau texte législatif, avec toutes les garanties de constitutionnalité, la censure n’étant pas a priori une fatalité.

Fin de la séparation vente / conseil pour les phytos

La loi met fin à la séparation des activités de conseil et de vente des produits phytosanitaires, qui avait été introduite par la loi Egalim d’octobre 2018, entrée en vigueur le 1er janvier 2021. L’objectif était de couper un tant soit peu le robinet, alors que la gâchette des Plans Ecophyto successifs produisait peu ou pas d’effet. « Sur le terrain, rien n’a vraiment changé́ dans les faits, les technico-commerciaux des entreprises de vente / négoce continuent à prodiguer du conseil correspondant dans les faits au conseil spécifique », relevait le CGAAER dans un rapport publié en mai 2024. Dans un autre apport publié récemment, le CGAAER relevait que la mesure constituait une entrave au développement des solutions de biocontrôle. Autre trublion - et fiasco - de la loi Egalim, le Conseil stratégique phytosanitaire, mis à mal par la crise de 2024, devient facultatif.

Le stockage d’eau déclaré d’« intérêt général majeur »

Les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole sont présumés d’intérêt général majeur dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu’ils sont issus d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers, qu’ils s’accompagnent d’un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour ces usagers.

Le président des Irrigants de France Eric Frétillère a fait part d’un « véritable soulagement » et d’une « avancée notable », espérant, « face à l’urgence de s’adapter au changement climatique qui frappe de plein fouet notre agriculture, une traduction concrète de cette loi sur le terrain ». Cependant, il ne sera pas possible de contester devant le juge l’intérêt général majeur du projet d’ouvrage concerné. La loi ne dispensera pas l’autorité administrative de s’assurer qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Enfin, il sera interdit de prélever l’eau dans des nappes inertielles, dites profondes.

Les seuils d’animaux relevés, les procédures simplifiées

Les seuils à partir desquels les exploitations d’élevage seront soumises à autorisation d’après la nomenclature ICPE sont révisés à la hausse : ils passerontt de 40.000 à 85.000 poulets de chair, de 40.000 à 60.000 poules pondeuses, de 2000 à 3000 porcs et de 750 à 900 truies reproductrices. Par ailleurs, par dérogation, pour les projets destinés à l’élevage de bovins, de porcs ou de volailles soumis à la procédure d’autorisation environnementale en raison des activités d’élevage, la réunion publique est remplacée par une permanence organisée par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête. Le pétitionnaire peut néanmoins demander au commissaire enquêteur ou à la commission d’enquête l’organisation d’une réunion publique.

Renforcement de l’assurance prairies

La loi prévoit la mise en place d’un « plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance » des prairies. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance récolte, les éleveurs de ruminants dénoncent « des lacunes et manquements, que ce soit lors d’épisodes de déficit d’eau ou d’excédent, de même que pour la grêle ». Par ailleurs, le comité départemental d’expertise pourra procéder à l’évaluation de réclamations, lesquelles pourront déboucher, en cas de déviance avérée, sur des indemnisations complémentaires à valoir